Image/poème pour l'ouvrage Aiguillages de la Cause des Causeuses (paru en 2015) |
- La nuit, dans les miroirs…
- Eau des fontaines…
- Le ciel est bleu…
- Demain, il sera trop tard…
- Vivre…
- La Cour des Miracles…
- Cabane…
- Parfois, au fond de la nuit…
- Entre ce que je pense…
- Il fait un peu frais ce matin…
- La fille du rail…
[On a choisi ici de centrer ces textes, on a l'impression que ça leur donne plus de respiration, plus de liberté… (?)]
Voir aussi : Poèmes de douleur…
La nuit, dans les miroirs,
Les miroirs du buffet d’la gare
Des mots silence s’allument
On cherche des regards
Qu’on n’a pas pu saisir
Et des amours fanées
Qui semblent refleurir.
Entre deux ronds d’fumée
On se laisse griser
On réchauffe sa misère
Dans un corsage entrouvert.
La nuit, dans les miroirs
Les miroirs du buffet d’la gare
Des mots silence s’allument
On glisse dans des valises
Des mouchoirs oubliés
Les mouchoirs du p’tit jour
Qu’on agite au grand jour.
On refait le monde à sa façon
On s’invente des lieux d’origine
Qui se glissent à nos épaules
Et nous serrent à la gorge.
On boit de la bière
Et on invente des chansons
Que personne n’entendra
La nuit, dans les miroirs
Les miroirs du buffet d’la gare
Des mots silence s’allument
Eau,
Eau des jets d'eau
Eau des puits très anciens et des pluies torrentielles
Eau des écluses
Eau des naufrages
Eau à la bouche
Eau des yeux grand ouverts
Eau souffle de vie, propre, pure, froide, chaude
Eau dormante réveillée en sursaut
Eau des carafes sur les guéridons
Eau des abreuvoirs et des fontaines
tu chuchotes à mon oreille
et j'imagine tes yeux mouillés de larme dans le silence
Je saute de joie dans la pluie sous ton regard étonné
Viens me voir toi qui es dans la peine, je te transformerai en cascades de rire.
J'imagine que tu m'aimes
J'imagine que tu ne pleures jamais
La petite fille au bord de l'eau fait des bulles de savon
Je ne suis sûre de rien
Je suis bien les mains dans l'eau
Je suis bien les mains dans la boue
Je me repose au murmure de l'eau
dans ta musique bleue des mers et des océans
Le soleil se couche dans les ruisseaux
et raconte aux enfants des histoires
Ventre de ma mère
Les jambes croisées, j'écoute la pluie
et mon rêve est doux
doux comme un baiser.
Tiens, il mouille
c'est la fête à la grenouille.
Le ciel est bleu
Plus bleu
Que le bleu des baisers
C'est une main d'enfant
Qui l'a dû colorier
Demain, il sera trop tard
Notre vie c'est maintenant
Alors embrasse-moi.
Laisse-moi rêver quelques minutes
Près de toi
Dans la pénombre du crépuscule,
Demain il sera trop tard
Notre vie c'est maintenant
Alors approche-toi
La nuit est belle
Et le vent dans mes cheveux
T'invite au plaisir
Demain il sera trop tard
Notre vie, c'est maintenant
Alors embrasse-moi.
OC
VIVRE
Je fiance mes murailles
Aux murs de ta maison
Et mes escaliers
au souterrain
De nos amours discrètes.
Genoux levés jusque dans la parole
Mains ravies à l'écume des astres…
Vivons
Lumière bleue
de nos cils assoifés.
Ton sang coule de la vallée
Vivons.
LA COUR DES MIRACLES
Il y a des épidémies de cendre
et des femmes longues
comme des armes blanches,
Des prêtres amputés
qui sentent le vin chaud
Des entrailles séduisantes
où le manège d'un rire
renverse des oiseaux
possédés d'oracles impossibles.
Dans un théâtre vide
des mendiants assoiffés
ont allumé un feu.
Au dehors, l'étang gèle
Des menuisiers aveugles
fleurissent des cercueils.
Des femmes agenouillées
accouchent d'idiots
marchant sur la pointe des lèvres.
C'est l'heure
de crever des bulles de savon
Mon jour rejoint ton jour
en son parcours de fleuve
Et le vin fou de ma fièvre
a le goût de ta peau.
[Odyle Collin 1975]
Cabane
Dedans,
Presque dehors,
Quelques mots échappés d’une intime confidence.
Il fallait passer près de l’abri des chevaux
Se faufiler sous les barbelés
Distendus par le poids de l’âne
Apprivoiser les orties
Et de l’autre côté
Entre la ferme et le canal
il y avait ma cabane
Cabane de jeux
Cabane de peu
Une niche de noisetiers
Un fouillis de branches
D’où je pouvais écouter
les conversations étranges des éclusiers
Dedans
Presque dehors
Cabane de jeux
Cabane de peu
Elle devenait tour à tour
Palais d’Orient
Repaire de brigands
Et de monstres désarticulés
Épicerie bien achalandée
Des gouters de ma mère
Et de caramels gagnants
chapardés au comptoir
Dedans
Presque dehors
Il y avait quelque part, là-bas
Un été de cassis
Et de trèfles à quatre feuilles
Un été de collines arrondies
De terre argileuse et de lichen vieilli
qui colle à la peau
Un été de rivières
Aux senteurs d’anis
Cabane de jeux
Cabane de peu
Embarcadère pour des horizons
Qui ne se touchent pas
Dedans
Presque dehors.
[Odyle Collin]
Parfois, au fond de la nuit, il arrive que le vent comme un enfant s'éveille, et il descend tout seul l'allée à pas légers jusqu'au village, faisant tourbillonner les feuilles et les moineaux.
Parfois, au fond de la nuit un enfant étrenne un ballon neuf et le fait monter vers la Lune. La Lune tombe et le ballon s'allume.
Parfois, au fond de la nuit, on boit de la bière et on invente des chansons que personne n'entendra.
Parfois, au fond de la nuit, au revers des ombres, l'or des chemins blanchit, la tiédeur embaume les cailloux délivrés du soleil.
La nuit vient toujours à pas de loup, à pas de fougère et de menthe et tisse des parfums qui suffisent aux voeux des fleurs.
Parfois, au fond de la nuit, un enfant caresse ses rêves et se désaltère au jus d'étranges fruits.
Parfois, au fond de la nuit, les filets du pêcheur s'en vont vers des rives profondes cueillir la sardine et la nacre des fées.
Parfois, au fond de la nuit, le silence est déchiré par des chiens qui hurlent à l'amour et les chats aux yeux d'azur viennent boire l’eau des anémones.
Parfois, au fond de la nuit, une main noueuse guide une autre main, les chênes se taisent et les étoiles réchauffent des alcôves comme une boule de pain toute chaude.
[Odyle Collin]
Entre ce que je pense
ce que je veux dire
ce que je crois dire
ce que je dis
ce que vous voulez entendre
ce que vous entendez
ce que vous croyez comprendre
ce que vous voulez comprendre
et ce que vous comprenez
il y a au moins 9 possibilités
de ne pas s'entendre.
Il fait un peu frais ce matin
sous les noisetiers
Des restants de lune
s’égouttent le long des feuilles.
Les gitans de passage
En feront des bagues et des colliers
Que je mettrai un soir
Pour m’éloigner lentement sous la pluie
A l’endroit des couleurs
Et des herbes semées.
Je prendrai le chemin
Qui mène à la déraison.
J’avancerai plus loin que les gares
Aux abords des cimetières
Et des champs labourés.
J’imaginerai alors la mer
Couverte d’aube
Et la vague nouvelle
Comme une femme qui revient.
Je serai vêtue de parfums dérisoires
Et il n’y aura plus rien que le bruit des saisons.
Apprivoise-moi
Pour que la vie soit encore
Une promenade fréquentable.
Il fait un peu frais ce matin
Sous les noisetiers.
J’aime à être là,
A mâchonner le silence
Comme des feuilles de thé vert
La fille du rail
Entre deux enjambées de traverse
et d'égratignures de silex,
calmement démolie
elle a les yeux figés de l'attente.
Entre deux éclaircies d'équinoxe,
fardée de noirceur transparente,
elle a chuchoté
avec une lenteur séculaire
des dentelles de prières
et composté
le trop tard
le trop loin
le trop plein
De dos, on ne voit pas qu'elle pleure
La fille du rail
Omnibus d'écoliers
à la courbe fragile
rescapés d'un sommeil alourdi
et d'amours fripées restées à quai …
Fermeture inéluctable du trafic.
La vitre des regrets
s'est brutalement ébréchée.
On voudrait se pencher un peu ,
encore un peu,
mais la vitesse décoiffe l'arrière-cour
de sa mémoire
qui rouille comme un cri délaissé
dans la salle des pas perdus.
Verrey-sous-Salmaise
Cinq minutes d'arrêt
veuillez emprunter le passage souterrain s'il vous plaît .
La voix est maintenant mutilée
oubliée
derrière les guichets,
balayée par les grands peupliers du canal.
La douleur est floue .
De dos, on ne voit pas qu'elle pleure
La fille du rail .
Le paradis,
elle l'a dessiné à la craie sur le quai n° 1
à contre jour,
à contre rail,
Marelle.
Accoudée aux familiers visages
Son rêve est doux,
si doux, qu'il fait bouger ses lèvres,
et les vents malins font grincer les trains du jeudi
désormais au rebut,
tagués, érodés,
repères de jeux et de succulents bavardages
De dos, on ne voit pas qu'elle pleure
la fille du rail .
Par delà les fenêtres murées
de la petite gare de Verrey-sous-Salmaise,
sur la ligne impériale,
quelques géraniums
en révérence inclinée
témoins d'une enfance expulsée
et de rires engloutis.
Changement d'aiguillage !
Le dernier regard sera murmuré, léger, en pluie
Du haut de la nacelle de vigie.
De dos, on ne voit pas qu'elle pleure
La fille du rail.
[Odyle Collin]
D'autres pages web consacrées à Odyle Collin…
- Hommages après sa disparition… [Page invisible par la recherche Google : pourquoi…??]
- Sur ce blog : Poèmes de douleur…
- Page poésie d'O.C. sur le vieux site Guignolsland (= pas sur le blog) amorcée il y a bien longtemps (2004)
- En pdf, le recueil "Naufrage" (Audin 1974, 47 poèmes)
- Une page de blog sur sa peinture (également sur cette dernière décennie : 2013…)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à laisser vos remarques et autres commentaires, favorables ou défavorables (qui seront publiés après une "modération" n'éliminant que les plus injurieux !!)